Chère lectrice, cher lecteur, bonjour.

Il y a quelque temps, lors d’une discussion dans un groupe sur Facebook, le thème de la “saudade” a été évoqué. Mon interlocuteur disait que la “saudade” est un terme intraduisible, puisqu’il évoque un sentiment exclusivement portugais. Certains disent que la “saudade” est plusieurs choses : un certain vague à l’âme, une nostalgie plus ou moins douce ou amère, une envie de retrouver les siens et tout ce qui nous a rendu heureux... je ne vais pas faire un traité là-dessus; pour cela, vous pouvez lire Eduardo Lourenço, Fernando Pessoa et autres écrivains. Or, que je sache, les portugais n’ont pas le monopole de ces sentiments : il y a certains mots dans d’autres langues qui expriment à peu près les mêmes sentiments (selon le degré de mélancolie), comme « dor » (en roumain), « clivota » ou « cnenie » (en slovake), « sehnsucht » (en allemand), « tezeta » (en amharique, la langue parlée en Éthiopie) et « assouf » en tamasheq (langue des touaregs). On me dira que “ce n’est pas exactement la même chose”, mais je m’en fous, car ce sont des sentiments universels.

Franchement, ces débats identitaires me fatiguent royalement. Ils ne servent qu’à éloigner les gens les uns des autres, en créant des différences qui ne sont pas forcément pertinentes, au lieu de cultiver ce qui nous rassemble. J’aimerais vivre dans un endroit où on ne me les brise pas avec ces questions. J’aimerais, d’une part, vivre dans un endroit où on ne me critiquerait pas d’avoir choisi de vivre ailleurs, loin du chauvinisme d’un grand nombre de mes compatriotes.

Contrairement à beaucoup d’entre eux, je n’ai pas une fierté particulière (ni de la honte, quoique, des fois...) d’être portugaise. Je ne vais pas nier mes origines, car ce serait ridicule, puisque ma culture coule dans mes veines, que je le veuille ou pas. Je pensais que je deviendrais plus indulgente en étant loin de mon pays. Or, ce n’est pas le cas. D’autre part, j’aimerais vivre dans un endroit où on ne me ferait pas de remarques idiotes sur mon pays, mon accent et la difficulté à prononcer mon nom. Là encore, ce sont des sujets inutiles que les gens futiles adorent discuter. Franchement, quelle importance? Quel intérêt de tenir des propos pareils? Pourquoi cette traque à tout ce qui semble différent? Cela mène à quoi? À rien. Lorsque quelqu’un tient des propos pareils, je n’ai qu’une envie : lui coller une baffe et m’en aller, afin qu’on ne se recroise plus jamais. Je n’en peux plus de ces obsessions identitaires dans un pays comme la France, qui est le fruit des apports économiques, culturels et linguistiques de millions de gens venus d’ailleurs, ainsi que des cultures et langues des différentes régions. Pourquoi alors toutes ces crispations?

Des fois, je me dis que j’aimerais être apatride. J’aimerais être au-dessus de toutes ces mesquineries identitaires. J’en ai marre qu’on me colle des étiquettes : au Portugal, je suis une “petite française de pacotille”, qui a préféré quitter son pays au lieu d’essayer de le rendre meilleur (par pitié, qu’on arrête de m’assener la fameuse citation de Kennedy; au fait, vous pouvez la mettre là où vous savez). En France, je suis une “petite portugaise” avec un “petit accent” (ah bon??) et un nom à coucher dehors.

Vraiment, j’aimerais être apatride. Le problème, c’est qu’un apatride n’a droit à rien.

De l’identité

Partager cet article