Un nouveau 21 avril

21 avril 2002. Un séisme a secoué la France: Jean-Marie Le Pen était candidat au second tour des élections présidentielles. Moi et beaucoup d'autres étrangers en France, nous avons eu le sentiment qu'une cratère s'ouvrait sous nos pieds et qu'elle nous engloutirait. Nous étions effondrés et nous nous demandions ce que nous allions devenir. Faudrait-il partir? Rester? Nous étions aussi impuissants, car on nous désignait comme des boucs émissaires, et, en plus, nous n'avions même pas le droit à la parole, c'est-à-dire, au vote. Un moment de l'Histoire que je ne serai pas près d'oublier.

22 mai 2014. L'Histoire se répète: Marine Le Pen et le Front National sont les grands gagnants des élections françaises pour le Parlement Européen. 24 députés. 24 députés europhobes qui se rendront à Strasbourg pour semer la zizanie et saborder le projet européen. Encore une fois, nous, les étrangers en France, nous nous posons le même type de questions: si Marine Le Pen gagne les élections présidentielles de 2017, qu'allons-nous devenir? Peu importent les arguments anti-européens (bien que je partage la même colère et la même déception vis-à-vis des institutions européennes), peu importent les critiques au gouvernement relatives à la gestion de la crise économique (qui fait des ravages et qui mène les gens au désespoir), encore une fois, nous, les étrangers, nous serons parmi les cibles du Front National et de sa politique de la "préférence nationale", alors que nous travaillons (la plupart d'entre nous) et nous payons les impôts comme n'importe quel citoyen français.

Le pire, et le comble, c'est de voir un bon nombre de mes compatriotes qui non seulement soutiennent Marine Le Pen mais, en plus, ils rejoignent les rangs du FN. Savent-ils ce qui leur arrivera si le FN arrive un jour au pouvoir? Savent-ils qu'ils risqueront de perdre leurs droits à la sécurité sociale et au vote aux élections municipales et européennes (entre autres)? Savent-ils que, au fond, le FN les considère comme des sous-merdes, des moins que rien, qui "roulent la nourriture sous les aisselles"? Se croient-ils supérieurs aux "bougnoules", aux "sales nègres" et aux asiatiques, entre autres? Comment peuvent-ils ne pas comprendre que tous les immigrés partagent les mêmes histoires d'exil, de souffrance et d'intégration?

Moi, je reste. Je vis ici, je travaille ici, je paie mes impôts ici et j'ai une vie amoureuse ici. Oui, ici en France. Et je vais me naturaliser, parce que non seulement j'aime ce pays - malgré tout - mais aussi parce que je veux me protéger.

Donc, ma chère Marine, je suis désolée, mais toi, tu ne m'auras pas.