Après les larmes, on fait quoi ?

19 octobre 2020

Chère lectrice, cher lecteur, bonjour,

Voilà, voilà que ça recommence, comme dit la chanson. Et oui, on y est à nouveau… vendredi fin après-midi, un enseignant a été poignardé par un jeune Tchétchène de dix-huit ans à Conflans-Sainte Honorine. Le motif : l’enseignant, qui enseignait l’éducation civique au sein de son collège, a montré une caricature du prophète Mahomet. Dans ce dessin, on voyait Mahomet nu, avec une étoile sur les fesses et la mention « Une étoile est née ».

Que dire de cet acte barbare ? On peut dire tellement de choses, que c’est la faute à l’immigration non maîtrisée, aux étrangers qui refusent de s’intégrer, on peut continuer à crier « Vive la laïcité », alors que beaucoup de Français ne savent pas ce que c’est et la confondent avec une sorte d’athéisme institutionnalisé (ce qu’elle n’est pas)… déjà, les politiques et les éditorialistes en profitent pour, faute de mieux, proférer des discours d’une banalité affligeante sur les « valeurs de la République » ou, au pire, lancer des diatribes contre le multiculturalisme et tout et tout et tout… bref, on dirait des charognards se jetant sur un cadavre pour le dépecer et dévorer. En attendant, les bonnes âmes, les beaux esprits partagent des publications sur les réseaux sociaux pour exprimer leur peine, leur dégoût et leur soutien aux enseignants, comme si cela changeait quoi que ce soit.

Très bien, c’est très beau, tout ça. Maintenant, tout le monde est très solidaire envers les enseignants et blablabla, mais vous allez voir : on recommencera à dire que les profs sont tous des glandeurs, qu'ils ont trop de vacances, etc., etc. Je sais de quoi je parle, car j'ai été prof. Tout le monde affiche cette phrase, c'est très joli tout ça, mais savez-vous ce que c'est d'être enseignant? Non, vous n'en savez rien. Cela fait des années que les enseignants souffrent mais tout le monde s'en bat les flancs. Et puis, c'est très joli d'afficher son soutien sur les réseaux sociaux, mais, franchement, ça change quoi? Rien.

Je compatis autant pour la famille de l'enseignant que pour la famille du jeune meurtrier, qui n'était qu'un petit jeune déboussolé qui en voulait à la terre entière et s'est radicalisé, comme cela arrive si souvent... Et puis, a-t-on réfléchi à l'accueil des demandeurs d'asile? Que fait-on pour les aider à s'intégrer? Est-ce qu'ils bénéficient d'un accompagnement, d'une aide à l'intégration - dont ils ont tant besoin? Est-ce qu'on leur parle de leurs droits et devoirs, des valeurs de la société française et de ce qui est permis et interdit? Il faudrait peut-être réfléchir et faire quelque chose pour que ces histoires ne se reproduisent pas, non? En effet, c’est toujours la même chose depuis au moins 2015, lors de l’attentat contre Charlie Hebdo. Tout le monde s’émeut, mais rien n’est fait et après les larmes, c'est encore et toujours « business as usual ». Ces mots de solidarité sont très jolis, mais ce ne sont que des mots qui ne servent à rien. J’ai déjà vu ce film plusieurs fois et je connais la fin.

Voulez-vous savoir ce que je pense de cette histoire ? C’est évident, cela va de soi, qu’il faut promouvoir et lutter pour la liberté d’expression, l’une des bases d’une véritable démocratie, et personne ne devrait mourir pour cela, encore moins dans un pays comme la France. Pourtant, moi, à la place de cet enseignant, je n’aurais pas montré cette caricature abjecte. Considérer Charlie Hebdo comme un paradigme de la liberté d’expression c’est pour moi un gros foutage de gueule : l’humour de ce journal est tout simplement un humour limite pipi-caca, avec, en plus, des attaques personnelles à ceux qui osent critiquer ce journal. Très honnêtement, j’ai vu des publications satiriques relatives à l’Islam et aux religions en général plus intelligentes et nettement plus drôles. Et vous savez quoi ? Si on a le droit de rire des religions, on a aussi le droit de ne pas aimer ce genre d’humour antireligieux très français sans être taxé de bigot ou d’intégriste. Lorsque Charlie Hebdo publie une caricature représentant Dieu, Jésus et le Saint-Esprit en train de partouzer ou le Pape en train de sodomiser Sœur Emmanuelle (qu'est-ce qu'elle a fait pour mériter cette caricature abjecte?), on a le droit de s’indigner. Lorsqu’on voit un dessin de Mahomet dans des poses répugnantes, on a aussi le droit de s’indigner. Pourquoi ? Parce que la liberté d’expression va dans les deux sens, bordel !

Que faut-il faire ? Il faut lutter pour la liberté d’expression et contre toutes formes d'obscurantisme. Cela va de soi. Mais lorsque cela revient à jeter de l’huile sur le feu, on peut légitimement se poser des questions, car, comme disait justement Desproges, on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui.

La France a, plus que jamais, besoin de paix. À nous de faire quelque chose pour rendre ce pays plus respirable.