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Lettres lusitaniennes
Lettres lusitaniennes
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18 février 2020

L'oasis portugaise

Chère lectrice, cher lecteur, bonjour,

Ceux qui aiment le foot en général et le foot portugais en particulier ont sûrement entendu parler d’un match qui s’est déroulé dimanche soir au Portugal. Tout le monde en parle, y compris ceux qui n’aiment pas ce sport, mais pas pour de bonnes raisons. En effet, un joueur noir, Moussa Marega, s’est emporté contre les supporters de l’équipe adversaire, qui ont entonné des chants racistes, imité des cris de singe et jeté beaucoup d’objets sur la pelouse, y compris une chaise. Or, Marega n’a pas, à juste titre, supporté cette situation et il a voulu quitter le terrain. Cependant, qu’ont fait ses camarades, l’arbitre et l’entraineur ? Rien. Les camarades de Marega et l’entraineur l’ont dissuadé de quitter le match et l’arbitre n’a pas daigné suspendre le match. Non, rien ne s’est passé. Circulez, il n’y a rien à voir, the show must go on. Tout ceci est justement ce qu’il ne fallait pas faire. Si ses camarades, l’entraineur et l’arbitre étaient des hommes, des vrais, s’ils avaient des couilles, ils auraient suspendu, voire mis fin à ce match de la honte.

Au Portugal, beaucoup de gens sont inquiets, car cela donne une mauvaise image du pays à l’étranger. Franchement, on dirait que ces gens-là ont hiberné pendant des années et qu’ils viennent tout juste de se réveiller et de découvrir qu’il y a du racisme au Portugal, non seulement dans le sport – il ne faut pas oublier que le joueur de foot Ricardo Quaresma a lui aussi été la cible d’attaques racistes, y compris dans les médias sportifs, puisqu’il est gitan – mais dans la société en général. En effet, la posture négationniste vis-à-vis du racisme au Portugal a toujours été de mise, car les Portugais « ne pouvaient pas être racistes », puisqu’ils « se sont mélangés » aux différents peuples en Afrique, en Asie et au Brésil pendant la « glorieuse épopée » de l’expansion maritime. Le Portugal serait, donc, une sorte d’oasis, un havre de paix contre le racisme et la xénophobie.

Or, comme je l’ai dit dans de nombreux billets dans ce blog, rien n’est plus faux. Pendant longtemps, le racisme et la xénophobie étaient une sorte de « maladie honteuse », car les gens hésitaient à afficher le vrai fond de leur pensée, l’antiracisme portugais étant une belle vitrine visant à promouvoir le Portugal à l’étranger. Cependant, j’ai entendu et lu depuis toujours des propos qu’on peut considérer comme racistes : les discours du type « je ne suis pas raciste, mais… », les propos paternalistes sur la soi-disant infériorité intellectuelle des noirs, les diatribes contre les gitans, la vieille rengaine contre les Arabes, ces « satanés infidèles », et les Juifs, ces « usuriers manipulateurs » (n’oublions pas que l’imaginaire collectif portugais est antimusulman et antisémite !), mais aussi des invectives du genre « retourne dans ton pays ». Oui, j’ai lu et entendu tout cela depuis mon enfance.

Que se passe-t-il maintenant ? Maintenant, les « racistes honteux » d’hier ont perdu la honte et affichent leur mentalité nauséabonde comme un trophée. Fini la honte, on s’assume et les autres peuvent aller se faire brosser ! Le Portugal aux Portugais et tous les autres n’ont qu’à déguerpir ! On voit cela dans les commentaires des lecteurs des journaux en ligne, dans les réseaux sociaux, à la télé – un néonazi notoire a même été invité à une émission à la télé ! –  dans la classe politique (André Ventura et son parti Chega, mais aussi le CDS-PP, un parti de droite de plus en plus conservatrice) et aussi dans la police (les agressions de noirs par les agents de police devenant de plus en plus fréquentes).

Eh oui, les gens se réveillent juste maintenant et ils ont honte (enfin, pas tous, malheureusement). Cependant, je trouve très important qu’on en parle, afin détruire le fameux mythe du Portugal comme une oasis antiraciste. Cependant, ce sentiment de honte suffira-t-il à faire changer les choses ? J’aimerais y croire, mais je n’y arrive pas.

Quelle est la solution ? Je ne vois qu’une : l’éducation (parce que la répression ne suffit pas). Pas seulement des enfants et des jeunes, mais aussi des adultes, car il n’est jamais trop tard pour apprendre à respecter les autres et à les considérer comme des êtres humains à part entière, indépendamment de leur ethnie, religion et orientation sexuelle.

Allez, mes chers compatriotes, au boulot !

 

Image par Dieter_G sur Pixabay

Image par Dieter_G sur Pixabay

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