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Lettres lusitaniennes
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31 décembre 2011

La culture portugaise ou le "Complexe de la Belle au Bois Dormant"

Avez-vous déjà vu le film "Les Mystères de Lisbonne" de Raul Ruiz?

Ce film est adapté du premier roman d'un écrivain portugais de la deuxième génération romantique, Camilo Castelo Branco. Non seulement ce film a eu un succès international, mais, cerise sur le gateau, il a été pré-selectionné aux Oscars d'Hollywood! Evidemment, tout le monde au Portugal se gargarise de cet "exploit magnifique du cinéma portugais", alors que le film est tout simplement une co-production franco-portugaise (et, si je ne me trompe pas, d'autres pays participent aussi à la production de ce film).

J'ai pu regarder une partie à la télé, en début de semaine. Même si Camilo Castelo Branco n'est pas ma tasse de thé, il est vrai qu'il s'agit d'un bon film, bien réalisé, avec des acteurs portugais (et non seulement) magnifiques qui, autrement, seraient condamnés à ne tourner que des feuilletons à la télé. Et j'avoue que c'est un honneur que la littérature portugaise soit mise en relief par un réalisateur aussi prestigieux que Raul Ruiz.

Cependant, je ne peux pas m'empêcher de me poser cette question: pourquoi faut-il que le Portugal ait besoin d'artistes étrangers pour apprendre à mettre en valeur sa culture et ses arts? Pourquoi aucun réalisateur portugais ne s'est jamais proposé d'adapter ce roman, ou d'autres romans (car la fiction portugaise est richissime et mérite d'être adaptée au cinéma, alors que beaucoup de réalisateurs veulent tourner des œuvres soit-disant "personnelles" qui remportent un grand succès auprès de la critique mais qui sont boudées par le grand public)? Pourquoi Paulo Branco, le producteur de ce film, n'a pas collaboré avec un réalisateur portugais? Refuse-t-il de collaborer avec les réalisateurs portugais et vice-versa?

Et pourtant, ce n'est pas la première fois que ce genre de choses arrive. En 1991, le groupe Madredeus a obtenu la notoriété internationale grâce au Festival Europalia, organisé en Belgique. Le fado a été mis à l'honneur grâce à la participation de Amália Rodrigues dans un spectacle de music-hall à Paris. De la même façon, un grand nombre de chanteurs portugais, surtout de fado, chantent en France grâce à des producteurs français, car les producteurs portugais ne s'intéressent qu'à faire venir des chanteurs de "música pimba" pour faire plaisir aux immigrés. D'autres chanteurs ont vécu la même situation, comme la magnifique Sara Tavares, qui n'était pas quelqu'un d'inconnu au Portugal mais qui a dû faire éditer le disque de sa consécration, "Balancé", dans une maison de disques hollandaise, World Connection. Et que dire de l'intervention d'un musicologue corse, Michel Giacometti, qui a parcouru le Portugal du Nord au Sud, pendant les années 50 et 60, avec un magnétophone en bandoulière, afin de recueillit et enregistrer la musique traditionnelle portugaise? Et que penser alors de l'enseignement du portugais en France, qui a été mis en place à l'université grâce à Georges Le Gentil et en collège et lycée grâce à Solange Parvaux, alors qu'un grand nombre d'associations portugaises refusaient cette idée?

Je me demande si le Portugal ne souffre pas du "Complexe de la Belle au Bois Dormant", car il lui faut toujours un beau Prince Charmant (étranger, de préférence!) pour "se réveiller" et se mettre en valeur. Attention, ne prenez pas mal mon insatisfaction, car je ne veux absolument pas verser dans le nationalisme et la xénophobie, puisque je trouve que c'est un honneur que des étrangers apprécient le Portugal et la culture portugaise. Néanmoins, je trouve triste qu'un pays comme le mien ait une si faible estime de soi.

Qu'est-ce qu'il faut faire pour que mon pays apprenne à se mettre en valeur sans avoir besoin de l'aide étrangère?

guitarraportuguesa

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